La domiciliation d’une société au Grand-Duché du Luxembourg : guide et écueils à éviter. (Article écrit en collaboration avec notre fiduciaire Céliance)

La domiciliation d’une société consiste à établir le siège d’une personne morale à une adresse précise. Bien que cette démarche semble être a priori chose aisée, de nombreux écueils se doivent d’être évités, afin de garantir une domiciliation dans le respect du cadre légal en vigueur.

Cette base légale a été créée en 1999 pour donner une assise juridique, un fondement légal aux activités de domiciliation et la définition des professions pouvant exercer l’activité de domiciliataire.

Depuis le 31 mai 1999, ledit rôle de domiciliataire est désormais strictement réservé à un nombre limité d’acteurs dont les professions sont tout autant réglementées. Plusieurs obligations spécifiques en découlent.

Art. 1er. (1) de la Loi du 31/05/1999 : « Lorsqu’une société établit auprès d’un tiers un siège pour y exercer une activité dans le cadre de son objet social et que ce tiers preste des services quelconques liés à cette activité, la société et ce tiers, appelé domiciliataire, sont tenus de conclure par écrit une convention dite de domiciliation. »

  1. Précisément, la domiciliation de votre société correspond à son siège social. 

C’est donc l’adresse où la société reçoit toute la correspondance officielle, et aussi où elle doit conserver un certain nombre de documents légaux, officiels et originaux (documents comptables, permis(s) de constitution, liste des actionnaires/actions, journaux des transactions.). Conseil d’administration, assemblées générales ordinaires/extraordinaires, etc.). Le siège social est donc le lieu d’où l’entreprise est dirigée et gérée. Cette notion doit être distinguée de tous les lieux auxiliaires, qui sont destinés par exemple aux activités commerciales de l’entreprise ou au stockage de matériaux. 

L’adresse à laquelle la société est domiciliée (siège social) ne nécessite pas nécessairement la mise à disposition de bureaux, de salles de réunion, d’entrepôt ou même d’un éventuel atelier. Une réception téléphonique peut être fournie mais elle reste également en option. 

Cependant, la notion luxembourgeoise de substance économique reste très importante. Le simple fait d’avoir un bureau imaginaire telle une « boîte aux lettres » ne permet pas l’établissement de la notion de « substance économique ». Si l’entreprise est de nature commerciale, les autorités voudront s’assurer qu’elle dispose de locaux adaptés aux activités qu’elle exerce.

  1. Une activité très encadrée règlementairement.

La base juridique est donc la loi du 31 mai 1999 sur le siège social des sociétés. Pour des raisons de protection des consommateurs qui deviennent de plus en plus claires, mais aussi depuis l’entrée en vigueur de la 4ème et 5ème Directive de l’Union Européenne, destinées à renforcer la lutte contre le terrorisme et le blanchement d’argent, le législateur a souhaité réserver le rôle d’agent domiciliataire à certaines professions réglementées. Des garde-fous solides pour le respect du droit des sociétés aux travers de procédures de contrôle strictes , le respect des exigences du devoir de vigilance (KYC – Know Your Customer) et la coopération avec le régulateur et les autorités de contrôle sont des principes nécessaires à la bonne application des textes. En conséquence, compte tenu de ces principes rigoureux cette activité de domiciliation est réservée à certaines professions.

  1. Le cabinet d’expertise comptable Céliance avec lequel nous collaborons,  dispose des savoirs faire nécessaires pour être intermédiaire en domiciliation.

L’activité de domiciliation répond également aux besoins des non-résidents qui souhaitent s’implanter sur le territoire du Grand-Duché et éviter de chercher des locaux qui peuvent être pénible et fastidieux. Le rôle du domiciliataire prend ainsi une dimension particulière, puisqu’il conduit à un partenariat privilégié entre lui et son client dont l’entreprise est domiciliée dans ses locaux. Le domiciliataire peut se voir également confier d’autres missions telles que la gestion administrative, le secrétariat juridique, social et comptable, ainsi que certaines missions d’accompagnement des clients, tiers ou autres professionnels de la société domiciliée. Cette activité reste désormais soumise au cadre légal, réglementaire et doctrinal légitime, y compris, mais sans s’y limiter, les lois, règlements, circulaires et recommandations de la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF) ou d’un ordre professionnel tel que l’Ordre des experts-comptables (OEC), auquel appartient le mandataire de justice et qu’il doit respecter.

  1. Les devoirs du domiciliataire

Ce cadre légal impose donc un certain nombre de devoirs au domiciliataire, dont la nécessité évidente de conclure une convention de domiciliation avec le client. Le domiciliataire est tenu de conclure le présent contrat avec la société qui y sera domiciliée au moment de la constitution de la société afin d’exercer une activité entrant dans le cadre de son objet social, dont le domiciliataire fournit tous les services liés à cette activité. Il s’agit donc d’un contrat qui établit par écrit la relation juridique entre le domiciliataire et le domicilié et fixe les termes du contrat, qui sert également de preuve de la constitution d’une société au Grand-Duché et peut donc, par exemple, remplacer, un bail commercial éventuel, et peut être présenté aux administrations ou organismes financiers.

Par conséquent, notamment pour assurer la sécurité juridique des parties dans un tel accord, il est nécessaire que celui-ci soit signé avant que toute chose. Dès que vous avez reçu d’un domiciliataire l’adresse du siège social aux fins d’immatriculation de votre société ou du transfert de siège social, il convient d’être réactif. Le domiciliataire est un acteur important dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Le domiciliataire est donc déjà obligé d’être vigilant avant d’entrer en relation d’affaires. Cette obligation entraîne la nécessité d’identifier la société avec son siège social, ses clients, les personnes physiques et morales qui interviennent directement et indirectement dans la société, l’ayant droit économique.

Vous devez également préciser l’activité de votre client, les objectifs de la relation d’affaires, l’origine géographique et économique des fonds de votre client. Il s’agit du respect des obligations légales (due diligence, compliance) en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, qui sont notamment définies par la 4ème et 5ème directive de l’Union européenne et transposées en droit national par la loi du 12 novembre 2004. 

Ces obligations ont pris une dimension particulière depuis la mise en place du Registre des Bénéficiaires Effectifs (RBE) consacré par la loi du 13 janvier 2019, qui oblige toutes les personnes morales immatriculées au Luxembourg à indiquer l’identité de toutes les personnes physiques qui détiennent directement ou indirectement plus de 25 % du total des actions. Il existe un risque d’amende pouvant aller jusqu’à 1 250 000 euros en cas d’infraction. Avant de conclure un contrat de domiciliation, le domiciliataire doit également déterminer la localisation (pays, ville) de l’établissement principal de l’entreprise.

  1. Obligations découlant de la conclusion du contrat de domiciliation :

De même, le domiciliataire doit continuer à contrôler la société résidente et ses éventuelles filiales après la conclusion du contrat de domiciliation. Elle doit mettre en place des contrôles internes appropriés jusqu’à la fin de la relation contractuelle. 

D’après la circulaire 01/47 du 21 décembre 2001 émanant de la CSSF toute correspondance adressée à la société en son siège social se doit d’être consultée par le domiciliataire. Cette dernière recommande aussi dans la mesure du possible au domiciliataire de tenir la comptabilité ou à tout le moins de pouvoir la consulter sur simple demande.

Même après une résiliation du contrat de domiciliation, le domiciliataire reste tenue de tenir le registre d’identification des organes dirigeants, actionnaires et ayants droits économiques de la société domiciliée pendant une durée de cinq ans. Afin d’imposer une certaine rigueur au domiciliataire dans le respect de ses obligations, le législateur est allé jusqu’à obliger le domiciliataire à se doter des moyens de procéder à cette identification et à ces contrôles, au moyen d’une organisation interne raisonnable qui assure un suivi, une vérification et une mise à jour fréquente adéquate de ces données. 

  1. Outils KYC (Connaître votre client)

A cet effet, Céliance dispose d’un outil élaboré sur la base de procédures qui établissent les niveaux de risque, ainsi que les critères d’identification de ces niveaux de risque pour le suivi, adaptés au profil de chaque client. Enfin, le domiciliataire est tenu de coopérer activement avec les autorités et de leur signaler tout soupçon de blanchiment d’argent ou de financement du terrorisme.

  1. Champ d’application juridique de la domiciliation 

L’un des objectifs poursuivis par le législateur avec le cadre juridique de l’activité de domiciliation est de n’offrir l’exclusivité de cette activité qu’aux seuls professionnels légalement habilités à le faire. Dans l’arrêt de la Cour d’appel de Luxembourg du 11 juillet 2006, la Cour a pu rappeler ce principe et confirmer son interprétation en précisant que l’activité domiciliaire ne peut être exercée que par des professionnels légalement habilités. La Cour d’appel a été donc demandé de se prononcer sur l’existence ou l’inexistence d’une taxe, reprochant à l’intéressé d’exercer une activité commerciale à son lieu de résidence sans remplir les conditions de recevabilité prévues par la loi. Le défendeur était administrateur de la première société sise à l’adresse dont l’immeuble appartenait à la deuxième société également sise à cet endroit, ainsi que de 43 autres sociétés avec lesquelles la première société a coopéré des contrats de mise à disposition de Locaux commerciaux fermés Le procureur de la République reproche au prévenu d’avoir exercé l’activité de domiciliataire de plusieurs sociétés en son propre nom ou en qualité de gérant, sans exercer l’une des professions prévues par la loi Siège social des sociétés. 

  1. Circulaire CSSF 02/65 du 8 juillet 2002

Le Tribunal de Grande Instance a condamné le prévenu pour avoir exercé des fonctions domiciliataires pour plusieurs sociétés sans exercer légalement la profession d’établissement de crédit ou d’autres métiers du secteur financier ou du secteur des assurances ou encore la profession d’avocat, de commissaire aux comptes ou de réviseur. La circulaire CSSF 02/65 du 8 juillet 2002, dans laquelle la Commission précise que « la location d’un ou plusieurs locaux à une entreprise peut être qualifiée de domiciliation compte tenu de la disproportion entre le nombre de locataires de l’entreprise et la taille des locaux loués.

La Cour d’appel a partiellement réformé le jugement rendu par le tribunal d’arrondissement et décidé que l’existence d’une domiciliation était une question de fait qui devait être laissée à l’appréciation du juge à la lumière des textes de loi pertinents et non pas uniquement à la lumière d’une circulaire de la CSSF et qu’il fallait tenir compte du nombre de sociétés par rapport au nombre de bureaux disponibles, de l’exiguïté des locaux, de l’infrastructure défaillante, voire inexistante, du nombre de personnes qui travaillent réellement sur les lieux et de l’activité des personnes concernées, ainsi que de la question de savoir si des services comparables sont offerts simultanément aux sociétés siégeant à la même adresse, les mêmes personnes étant affectées à l’exécution de ces services.

Loi du 31 mai 1999 

Elle a aussi fait application de l’Art. 1 de la loi du 31 mai 1999 relative à la domiciliation, selon lequel il n’y a pas de domiciliation si le sujet dans lequel est situé le siège social est lui-même un actionnaire qui exerce une influence notable sur le fonctionnement de la société. 

  1. Où domicilier votre société ? 

Si vous voulez domicilier votre entreprise, le siège social est généralement là où se trouve le principal établissement. 

Dans le cas des sociétés nécessitant une autorisation d’établissement telles que toutes les sociétés à caractère commercial, artisanal, industriel ou de service (toutes sociétés émettant des factures à des tiers, à l’exclusion des filiales), un justificatif du siège social ( souvent un contrat de location commerciale) doit comporter un certain nombre de critères administratifs en relation avec l’activité exercée.

Dès l’ors que l’activité envisagée est de type commerciale dans le sens décrit précédemment le recours à un agent domiciliataire est interdit. La société doit donc avoir son propre siège social et s’établir dans des locaux en relation avec son activité tels que bureaux, ateliers, entrepôts… 

  1. Le Phénomène « Mailbox » 

Suite à d’importants contentieux par le passé liés au phénomène des « boites à lettre », l’Administration et le Ministère du Commerce effectuent désormais une surveillance attentive et systématique afin d’éradiquer complètement cette pratique. Il convient de vérifier que chaque personne morale dispose de locaux physiques réels où la présence régulière d’un représentant légal est requise. 

La domiciliation chez un domiciliataire convient aux sociétés de type SPF destinées à la gestion de patrimoine familial et non destinées à exercer une activité commerciale ainsi que pour les entreprises dites « dormantes » ayant temporairement cessé leur activité commerciale ou artisanale. Le domiciliataire exercera alors les fonctions de veille. L’autorisation d’établissement devra être restituée.

  1. Domiciliation du siège social à l’adresse du gérant

Les gérants/actionnaires de petites structures, dont l’activité ne nécessite pas de grands locaux, tentent souvent, pour des raisons évidentes d’économie, de domicilier directement leur entreprise à leur domicile. 

Selon l’art. 1, alinéa 4 de la loi du 31 mai 1999 sur le siège social des sociétés, à condition que le lieu de résidence remplisse les obligations légales cette installation au domicile est rendue possible.  L’autorisation d’établissement en vertu de l’art. 5 de la loi du 2 septembre 2011 est encore nécessaire pour exercer une activité commerciale, d’artisan, d’industriel et certaines professions libérales. 

Dans le cas de biens locatifs, l’accord préalable écrit et express du propriétaire est également requis. Attention, les contrats de location pour les locataires privés excluent souvent cette possibilité. Il est donc important d’examiner attentivement ce point. 

L’impossibilité de domicilier une activité commerciale à une adresse résidentielle privée peut provenir des causes suivantes :

  • L’exercice d’une activité professionnelle à l’adresse choisie est interdite par le règlement communal
  • L’exercice d’une activité professionnelle dans l’immeuble est interdite par le règlement de copropriété
  • Le propriétaire a obtenu une réduction des frais de notaire à l’occasion de l’acquisition de l’immeuble en contrepartie de la promesse de destiner le bien immobilier à des fins d’habitation exclusive
  • Une réduction du taux de TVA sur les travaux a été octroyée au propriétaire moyennant la promesse de destiner le bien immobilier à des fins d’habitation exclusive
  • Le taux d’amortissement de 6% est réservé aux personnes physiques (ou SCI détenues par des personnes physiques) qui donnent en location des biens immobiliers neufs destinés à des fins d’habitation exclusives. Le propriétaire est en mesure de bénéficier de ce taux d’amortissement de 6%. L’utilisation du bien comme siège d’une société serait donc de nature à priver le propriétaire de bénéficier du taux de 6%
  • Le dirigeant étant propriétaire de son logement, il veillera à vérifier strictement si les conditions ainsi énoncées sont bien remplies
  1. Les obligations du domiciliataire
    • Respecter le cadre légal propre à la domiciliation.
    • Exercer une profession autorisée par la loi pour pratiquer cette activité.
    • Signer une convention de domiciliation avec son client.
    • S’assurer que la société qui sera domiciliée chez lui sera au moins le principal établissement.
    • Connaître l’identité de son client.
    • Contrôler régulièrement la société domiciliée et pour ce faire de se doter des moyens de contrôle interne ad’hoc.
    • Se soumettre aux obligations relatives au financement du terrorisme et à la lutte contre le blanchiment. 
    • Rompre la convention de domiciliation avec effet immédiat si les organes statutaires et/ou les mandataires de la société contrevenaient aux dispositions légales sur les sociétés commerciales.
    • Avertir les autorité en cas de soupçons sur des pratiques délictueuses. 
  1. Les obligations du client
    • Dès lors qu’une entreprise poursuit une activité économique effective ou une activité commerciale ou une activité indépendante (vente de biens ou de services à des tiers) elle se doit de disposer aussi d’une autorisation d’établissement et des locaux adaptés et conformes. Alors elle ne peut être domiciliée !
    • Le client doit se soumettre aux obligations de contrôle et de communication en toute transparence auprès du domiciliataire. 
  1. Les services proposés au client à l’occasion d’une domiciliation :

Selon la définition légale, il convient de préciser que le prélèvement simple d’une domiciliation (c’est-à-dire sans services annexes) est interdit. 

En conséquence, Céliance propose une gamme de services annexes : 

  • Le suivi du volet comptable
  • Le suivi du volet fiscal (réalisation des formalités déclaratives) 
  • Le suivi du volet social (émission de fiches de salaires, déclarations sociales, etc.)
  • Le transfert par e-mail du courrier reçu quotidiennement, et toutes prestations administratives liées au courrier reçu (renvoie d’originaux par courrier postal, rédaction et envoi de courriers de réponse directement depuis l’adresse du siège, etc.)

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